Claire Denis, la sélection de Paroles

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Claire Denis, HKFFF 2022

La rétrospective Claire Denis, Fever dreams célèbre l'illustre carrière de la cinéaste française. Dans le cadre du festival du film français à Hong Kong, l'Alliance française et le département Moving image de M+ programment conjointement dix films pour une rétrospective dédiée. A celle-ci, s’ajoute également une section Claire Denis, Amis et influences avec quatre films sélectionnés permettant de mieux saisir l’univers de la réalisatrice  : Paris Texas (Wim Wenders), Down by law (Jim Jarmusch), Printemps tardif (Yasujiro Ozu) et Mille soleils (Mati Diop).

Au cours des trente dernières années et à travers une œuvre variée, les films de Claire Denis ont plongé dans les désirs obscurs du cœur humain et ont tenté d’explorer l'impact omniprésent du colonialisme. Leur narration elliptique et leurs images sensibles évoquent nos instincts primitifs les plus profonds et révèlent les conséquences des transformations sociétales sur la psyché humaine. Que ce soit en décrivant la beauté pure des liens humains dans Chocolat (1988) et 35 Rhums (2008) ou aux prises avec nos tendances destructrices comme dans Les Salauds (2013) ou Trouble Every Day (2001), Claire Denis entraîne le public dans des endroits où peu de cinéastes oseraient s’aventurer.  
Le cinéma de Claire Denis ne laisse pas indifférent. Il suffit de lire les critiques, de comparer son public français et international ou de suivre la couverture médiatique de ses films pour mesurer les réceptions diverses, variées et  partagées de son cinéma. Voilà presque 50 ans que la réalisatrice a commencé sa carrière comme assistante de réalisateurs majeurs comme Jacques Rivette ou Robert Enrico et du côté américain, Wim Wenders et Jim Jarmusch qui influencent durablement son style lorsqu’elle débute sa filmographie avec son premier long-métrage, Chocolat, en 1988. 

Paroles a demandé aux membres des équipes de curation un souvenir marquant du premier film de la réalisatrice qu’ils ont découvert.

Claire Denis, hong kong french film festival 2022

« Le premier film que j'ai aimé, nous rappelle Jean-Sébastien, c'était J'ai pas sommeil (1994) parce qu'il reconstitue l'ambiance nocturne du Paris de la fin des années 1980 et début 90, avec les personnages interlopes de la nuit » Le film s’inspire, entre autres, de la vie de Thierry Paulin, criminel en série des années 80, qui fut serveur, danseur, travesti du Paradis Latin avant de devenir, comme les médias le nommèrent,  le meurtrier des vieilles dames. 

Pour Thibault, ce fut Beau travail (2000) pour la qualité extraordinaire de sa direction artistique. « Le film ressemble à une chorégraphie militaire de soldats de la Légion étrangère dans le paysage aride du désert de Djibouti. La photographie est superbe. La dernière scène où Denis Lavant danse seul est toute aussi fascinante qu’énigmatique. » Elle résume le style elliptique des films de Denis, et met en valeur sa collaboration au long cours - plus de trente ans - avec la directrice de la photographie Agnès Godard.

La monstruosité du personnage incarné par Béatrice Dalle dans le film Trouble Every Day (2001) restera un souvenir inaltérable, nous rapporte David. Claire Denis arrive à mêler horreur et désir en rendant l’amour cannibal. « La musique lancinante du groupe anglais Tinderstick qui accompagne tout le film m'a profondément marqué et maintenant à chaque film (les Tindersticks accompagnent depuis 1996 tous les films de Claire Denis) j'attends son apparition pour écouter comment elle dramatise la narration. » Par exemple, dans Amour et acharnement (2022) son dernier film, la musique souligne la douleur de la passion amoureuse quand, soudain, aux yeux du personnage principal joué par Juliette Binoche réapparaît l’ancien amant, fantôme du passé. 

« Moi, j'ai découvert le cinéma de Claire Denis par 35 Rhums (2008) par ce portrait sensible de cette famille antillaise, qui rappelle, dans d’autres films les parcours de familles d’immigrés africains, un thème récurrent dans nombreux autres films, qui abordent, peut-être, confie Chanel, des sujets que les Français peut-être n'aiment pas comprendre ni même entendre. » Inspirée par la relation entre sa mère et son grand-père maternel, la réalisatrice emmène l'histoire intemporelle père-fille de Printemps tardif de Yasujiro Ozu dans le Paris d'aujourd'hui.

« Ce n'est pas un cinéma facile à catégoriser et qui n’a pas rencontré un succès populaire. Le premier film Chocolat (1988) a été l'un de ses plus gros succès, les autres restent toujours confidentiels, en terme économique. Mais, concède Jean-Baptiste, c'est aussi également la force de son cinéma d'avoir une économie de tournage, qui lui a toujours permis de continuer et de vivre dorénavant une carrière internationale pour des fans à travers le monde entier. Mais il y a des choses que je n'aime pas comme la faiblesse du montage, des faux raccords, la simplicité parfois de l'intrigue et la lenteur propre à un certain cinéma français d'art et d'essai. »

Découvrez donc dix films de Claire Denis à M+ cinéma mais également dans les salles du festival HKFFF 2022 : https://www.hkfrenchfilmfestival.com/ et www.mplus.org.hk/en/cinema/


Texte : Chanel Kong, Associate Curator of Moving Image at M+, Museum for Visual Culture, David Cordina, Jean-Sébastien Attié, Thibault Paris, Jean-Baptiste Larramendy, Alliance Française de Hong Kong


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